Changer d’outil, de process ou d’organisation est un événement aussi redouté que fréquent. Vous accueillez un nouveau collaborateur ? Votre collaboratrice part en congé maternité ? Vos confrères adoptent des outils qui sont des futurs avantages concurrentiels ? ou tout simplement, vous vivez cette période de crise sanitaire.
Vos process, votre organisation, votre quotidien, tout change. 💱
Alors pourquoi ne pas profiter de ces changements, souvent subis, pour améliorer le quotidien en cabinet ?
Ce terme, qui englobe une nébuleuse de conceptions et de craintes, est aujourd’hui décrypté par un spécialiste. Amaury Libaud, Manager Strategy & Transformation chez Cognizant répond à nos questions. 💬
Et si nous posions les mots sur ce concept pour commencer ? “Parmi les définitions, retenons celle de PROSCI, une référence dans le milieu : “Le changement est le fait de partir d’un état actuel, passer par un état de transition et finalement aller vers un état futur, un changement en trois phases.
L’état actuel, c’est la zone de confort, l’état futur, évidemment c’est la zone incertaine. Puisqu’on va vers cette zone incertaine, cela va forcément provoquer des poches de résistance dans une organisation.””
Modélisée, cette définition correspond à la courbe du changement aussi appelée courbe du deuil... C’est dire l’impact du changement dans un quotidien. Nous l’avons alors appliquée à la réalité en cabinet pour lui donner plus de contexte.
Le terme de résistance revient très souvent et est souvent associé aux salariés. Cependant il est loin d’être le seul obstacle au changement et les salariés la seule source de difficultés.
“Lors d’un changement, les spécialistes identifient deux “points d’accrocs” récurrents.
Le premier point faible c’est la résistance des groupes qui sont touchés par le changement. Le second gros point qui pose problème, c’est le manque d’efficacité des sponsors dans leur rôle”. Le sponsor étant le responsable dans l’entreprise, qui décide et/ou soutient le projet de changement.
Les organisations sont donc sous la menace de comportements hostiles aussi bien de la part des salariés que des décideurs qui ne “joueraient pas le jeu”.
A cela s’ajoute une crainte de la réaction du client face au changement. Souvent le dernier informé il redoute la période de “rodage” de l’outil qui pourrait l’impacter et … changer ses habitudes.”
Le premier enjeu soulevé par notre spécialiste est donc celui de l’engagement des salariés.
Pour qu’il y ai un engagement efficace au sein de l’entreprise, il faut savoir repérer en amont les sources de résistance.
Lors de l’annonce de l’adoption d’un nouvel outil ou d’un nouveau processus par exemple on peut déjà identifier des individus réfractaires. D’autres vont manifester leur résistance par des biais moins formalisés (absence de réactions, absence de réponse aux sollicitations…).
Pour contrer cette résistance, l’idée est de réunir en effectif plus réduit les réfractaires identifiés, de leur parler, de comprendre ce qui bloque. Cela peut passer par exemple par la présentation plus en détail de la solution. Il s’agit aussi et surtout de trouver un levier, de trouver l’argument qui va les concerner et les intéresser. Par exemple : un collaborateur passe ses vendredis à envoyer des relances de pièces aux clients. Vous lui annoncez que les relances se feront désormais automatiquement ou qu’il devra seulement appuyer sur un bouton. L’impact est concret sur son quotidien, la projection est facilitée. Cela va au moins susciter une curiosité.
Plus largement, l’idée pour freiner ces résistances c’est d’essayer de regarder dans l’organisation, au-delà des individus, quelles sont les sources de résistance potentielles.
Le secteur de la comptabilité est connu pour être l’un des plus figés, et pour cause. Les règles qui régissent la profession sont très stables et établies depuis des décennies, les outils n’ont connu que très peu d’évolution depuis un quart de siècle. La charge de travail est aussi soutenue que les échéances sont récurrentes. Autant de raisons qui font que les collaborateurs ont choisi cette stabilité et cherchent à la garder.
Les résistances rencontrées par les collaborateurs nous renvoient naturellement au rôle d’un autre interlocuteur clé, le sponsor, l’associé. Quelle place ont-ils dans le changement ?
“Pour que le changement soit couronné de succès, il faut que les sponsors soient engagés et que cet engagement soit visible. Pour qu’ils soient engagés, déjà il faut absolument communiquer avec eux, ne pas hésiter à réaliser des entretiens individuels pour bien transmettre les informations et prendre en compte leurs possibles craintes. Une fois cet engagement obtenu, il faut capitaliser dessus via des prises de parole où l’on peut montrer que le sponsor et/ou la direction sont engagés pleinement dans ce changement là. Ils doivent être actifs et visibles pour toute l’organisation. Le sponsor ne peut pas être seulement à la réunion de lancement et à la clôture du projet, il faut qu’il soit présent un peu tout le long et encore une fois que ce soit visible pour tout le monde.“
Qui dit que ces obstacles sont l’apanage des gros cabinets ? Petites structures, cabinets récents, gros cabinet, le changement concerne tout le monde.
Plus que le profil des cabinets, c’est le profil des personnes qui le composent qui est important. Il est vrai qu’en général des cabinets plus gros ont un portefeuille d'outils plus vaste et ont donc plus l’habitude des évolutions, de l’arrivée de nouvelle solutions. Cependant il n’existe pas de règle en la matière.
Un changement reste un bouleversement d’habitudes, aussi minime semble-t-il. Certains profils sont-ils plus sensibles et donc réfractaires au changement ?
“Ce sont très souvent des personnes un petit peu plus âgées qui ont du mal avec le changement, ce qui est normal puisque, plus on a de l’expérience dans un domaine, plus on a peur de quelque chose de nouveau qui viendrait bouleverser les habitudes. Que ce changement soit un logiciel ou un nouveau process, il faut pouvoir les accompagner et ne pas hésiter à marteler les messages pendant une certaine période.
On constate qu’il faut à peu près 21 jours pour commencer à appréhender un changement, créer une habitude. Si un individu répète la même tâche pendant 21 jours, le 22ème il saura la faire naturellement.”
Ainsi, si le changement est donc vécu différemment par les collaborateurs, ils ont tous la capacité de l’assimiler avec de l’accompagnement. Il ne faut pas hésiter à leur faire des démo, les former, leur montrer qu’on a confiance en leurs capacités et "ne pas les lâcher" pendant la mise en place.
Pour certains collaborateurs le passage d’une tâche répétitive à une mission nouvelle peut être une révolution, existe-t-il d’autres pistes pour appréhender ce changement ?
“Par la formation, en travaillant sur l’upskilling ou le re-skilling. Donc soit agrémenter, augmenter ou changer complètement les compétences du collaborateur pour qu’il puisse passer à un nouveau poste. La formation ce n’est pas forcément un organisme extérieur qui vous emmène 3 jours quelque part pour vous apprendre quelque chose. Cela peut être une formation assurée par l’éditeur ou consulter les supports mis à disposition, regarder des vidéos... C’est aussi tester l’outil et pouvoir être aidé rapidement par le prestataire en cas de doute ou de problème.”
Après avoir évoqué les Collaborateurs, les Sponsors, le rôle de l’éditeur, quelle est la place à donner au client dans ces processus ?
“Deux choses sont primordiales vis-à-vis du client : le premier point c’est le rassurer, le deuxième point c’est lui vendre ce changement.
Rassurer : en lui disant que de toute façon le changement est nécessaire, que ce qui est proposé ne va pas impliquer davantage de travail de son côté, bien au contraire que ça va justement lui simplifier la vie.
Deuxième point, vendre: ”Un discours qui fonctionne bien auprès des clients consiste à dire que si l’on change quelque chose chez nous, qui nous impacte directement, mais on le fait parce que ça va être beaucoup plus intéressant pour vous, parce qu’on va moins vous solliciter, être plus réactif, parce que c’est un logiciel qui nous permet d’éviter des erreurs etc…” En assurant une communication client, pour le rassurer et ensuite pour vendre le changement, le client finit par se dire “c’est gagnant-gagnant, je n’ai rien à faire ou très peu et ce sera bénéfique pour moi””.
Prévenir et vendre d’accord, mais quand le faire ?
“Il n’y a pas de date butoir. Une fois que l’on a pris la décision de modifier l’organisation via un nouveau logiciel, processus… et que le client va en subir les effets, il faut pouvoir l’impliquer le plus tôt possible. L’impliquer dans ce changement aussi tôt, lui expliquer les raisons pour lesquelles le cabinet met en place ces nouveautés et ce qu’il va y gagner renforce la relation de confiance avec le client. Le simple fait d’intégrer le client avant même d’avoir entamé le changement permet de lui montrer la considération qu’on lui porte et qu’il est, finalement, un partenaire dans le changement qui va nous impacter. Le client ne reçoit pas la décision une fois le fait accompli et est plus à même de soutenir le cabinet et de poursuivre la relation contractuelle dans les meilleures conditions. “
Experts-comptables et collaborateurs ont la chance d’être en contact permanent avec les clients. L’opportunité est donc toute trouvée pour partager naturellement des nouveautés ou des requêtes à un client qui est très souvent à l’origine de la prise de contact.
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Et maintenant, il ne reste plus qu’à enclencher le process !